BI Journée mondiale des vétérinaires

Gérer les entéropathies inflammatoires liées à un déséquilibre du microbiote intestinal chez le chien et le chat

Chez le chien, le microbiote le plus important se trouve au niveau intestinal.

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Corinne DESCOURS-RENVIER

Gastro-entérologie

Notre confrère Claude Faivre (BM Consulting) a évalué le lien entre perturbations du microbiote intestinal et développement de certaines manifestations systémiques chez le chien et le chat lors d'une conférence en ligne organisée par le laboratoire Wamine, en juillet. Il a ensuite proposé une approche pour corriger efficacement ces déséquilibres et présenté un cas clinique.

Le laboratoire Wamine a organisé, en juillet, une conférence en ligne sur le thème « Microbiote intestinal : troubles fonctionnels intestinaux et MICI1 ». Notre confrère Claude Faivre (consultant en phytothérapie clinique individualisée, BM Consulting) a rappelé les différents mécanismes à l'origine d'un déséquilibre du microbiote intestinal chez le chien et le chat ainsi que la nécessité de les corriger rapidement pour prévenir de nombreuses maladies.

Un microbiote est composé d'une association de multiples micro-organismes (bactéries, virus, champignons...) bénéfiques ou potentiellement pathogènes selon leur nombre et leurs substrats, vivant dans un environnement spécifique.

Chez le chien, le microbiote le plus important se trouve au niveau intestinal. Si trois grands Phyla dominent cet écosystème en temps normal (Bacteroidetes, Actinobactéria et Firmicutes), Claude Faivre souligne que l'équilibre du microbiote repose plus particulièrement sur six genres bactériens : entérobactéries, bactéroïdes, bifidobactéries, lactobacilles, eubactéries et clostridies.

Equilibre délicat qui peut évoluer vers une dysbiose

De nombreux facteurs extérieurs (environnement, alimentation, agents pathogènes...) sont susceptibles de perturber la composition qualitative et quantitative du microbiote intestinal. Le risque est alors de voir apparaître une dysbiose1.

« Le stress oxydatif est une cause fréquente de déséquilibre de la flore intestinale », explique Claude Faivre qui a choisi le syndrome ischémie reperfusion pour illustrer ce phénomène.

Durant un effort, le sang est principalement dirigé vers les muscles, la vascularisation intestinale diminuant en parallèle. Pour cet effort, l'animal a besoin d'énergie, libérée par les mitochondries sous forme d'ATP (adénosine triphosphate). Ce mécanisme génère malheureusement des EROs, molécules pro-oxydantes.

A l'arrêt, la reperfusion du tube digestif s'accompagne de l'arrivée massive de radicaux libres qui altèrent à la fois les membranes des cellules épithéliales et les protéines des jonctions serrées (tight junctions) voisines. « La sensibilité des villosités intestinales aux agents infectieux et autres germes opportunistes augmente », précise notre confrère. « Une dysbiose est alors susceptible de s'installer ».

L'administration de traitements médicamenteux peut également déséquilibrer la flore intestinale.

« Le cas de l'antibiothérapie est bien connu, avec le risque d'apparition de diarrhées médicamenteuses », souligne le conférencier. « Les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les corticostéroïdes, la chimiothérapie, la radiothérapie ou les traitements immunosuppresseurs peuvent également être à l'origine d'une dysbiose ».

Nouvelle classification des MICI en fonction de la réponse au traitement

La dysbiose entraîne des troubles digestifs variant d'un simple inconfort à une atteinte chronique sévère.

« Particulièrement graves, les MICI sont de plus en plus fréquentes chez le chien et de plus en plus difficiles à traiter », souligne Claude Faivre. « Une nouvelle classification de ces affections vient d'ailleurs d'être proposée par le Pr Juan Hernandez (service de médecine, Oniris) ».

Habituellement, les entéropathies chroniques sont classées en fonction des résultats de la fibroscopie et de l'histologie en infiltrations lymphoplasmocytaire, éosinophilique, histiocytaire ou neutrophilique.

La nouvelle catégorisation s'apparente plutôt à un diagnostic thérapeutique puisque les affections sont classées en fonction de la réponse au traitement (figure n° 1) :

- entéropathies répondant au changement d'alimentation ;

- entéropathies répondant aux antibiotiques ;

- entéropathies répondant aux immunosuppresseurs ;

- entéropathies réfractaires.

Ce classement peut être modulé en fonction de l'amaigrissement de l'animal secondaire à une fuite protéique (figure n° 1).

Gestion naturelle des entéropathies inflammatoires

« Il est tout à fait possible de gérer naturellement les entéropathies inflammatoires », explique Claude Faivre (figure n° 2).

En cas de simple inconfort, notre confrère conseille une transition alimentaire vers un régime hyperdigestible, associée à l'administration de probiotiques et une phytothérapie sécrétoire antispasmodique (mélisse, réglisse, gingembre). Il s'agit d'un traitement ponctuel à ce stade, après que l'analyse des selles et la vermifugation ont préalablement validé l'hypothèse de dysbiose.

Dans des cas plus sérieux, si l'état général de l'animal est conservé, la transition alimentaire et l'administration de probiotiques s'accompagnent cette fois d'une phytothérapie régulant soit le transit (pissenlit, radis noir), soit la diarrhée (noyer, alchémille, cannelle). « Le traitement d'attaque sera prolongé par un traitement d'entretien », précise notre confrère.

Si l'état général du chien est altéré (abattement, perte de poids...), Claude Faivre conseille de réaliser dans un premier temps un bilan biochimique, une échographie abdominale et des biopsies digestives (fibroscopie).

L'administration de probiotiques est dans ce cas associée à une phytothérapie anti-inflammatoire (astragale, reine des prés, boswellia). Le traitement peut être permanent, avec des risques importants de récidives dont il faut informer le propriétaire qui sera formé par le praticien à gérer ces accès aigus.

De la dysbiose aux affections systémiques

« Il est d'autant plus important de contrôler précocement la dysbiose intestinale qu'elle peut participer activement à l'apparition de maladies systémiques », prévient Claude Faivre.

Risquent alors d'apparaître des signes cliniques au niveau :

- du système nerveux central (comportement, humeur, activité motrice) ;

- du foie (métabolisme des graisses,stéatose hépatique) ;

- du tissu adipeux (stockage des graisses, syndrome métabolique) ;

- des muscles squelettiques (perturbation du métabolisme énergétique) ;

- des vaisseaux sanguins (risques de maladies cardio-vasculaires) ;

- des yeux (modification de la composition lipidique des tissus) ;

- de la cavité buccale (parodontite)...

Eviter le passage à la chronicité

En conclusion, Claude Faivre a proposé un cas clinique illustrant la gestion d'une entéropathie inflammatoire débutante.

Un chien berger de Crau, âgé de cinq ans, est présenté pour douleurs abdominales avec flatulences, accompagnées d'épisodes récurrents de diarrhées et de vomissements. L'état général de l'animal est bon. Il est nourri avec une alimentation ménagère insuffisamment équilibrée.

« Dans ce type de ce cas, il convient d'agir rapidement pour éviter le passage à la chronicité et l'apparition d'atteintes systémiques », explique notre confrère.

La première étape consiste à changer de régime alimentaire, en proposant à l'animal un aliment hyperdigestible. Il faudra ensuite restaurer le microbiote intestinal et gérer la douleur.

Dans le cadre d'un traitement phytothérapique, Claude Faivre utilise :

- des plantes anti-inflammatoires et antispasmodiques ;

- des plantes antiseptiques et antibactériennes ;

- ou encore des astringents et des modulateurs du transit.

Ici, le choix de notre confrère se porte en premier lieu sur un complément alimentaire contenant des lactobacilles et des bifidobactéries car ces micro-organismes sont particulièrement perturbés en cas de dysbiose.

Le transit intestinal est modulé à l'aide de noyer et de cannelle. Enfin, notre confrère utilise le gingembre, la mélisse et la réglisse pour lutter contre l'inflammation et les spasmes.

Le traitement est mis en place durant un mois et modulé en fonction de l'évolution des symptômes. Quatre mois plus tard, les signes cliniques ont disparu.

1 MICI : maladie intestinale chronique de l'intestin.

Article paru dans La Dépêche Vétérinaire n° 1722

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